La prise en charge de patients obèses par les résidents en médecine familiale

Travail académique de résidence
Guillaume Dumais et Charles-Étienne Plourde

Introduction

Depuis les 30 dernières années, l’incidence du surplus de poids croît de manière alarmante et les tendances semblent prédire qu’elle continuera d’augmenter. À l’échelle mondiale, 1,5 milliard d’individus avaient une surcharge pondérale en 2008. De ce nombre, 500 millions étaient obèses1. Actuellement, au Canada, 65 % de la population a un surplus de poids et, de celle-ci 24,1 % est obèse, tandis que nos voisins américains atteignent un sommet avec 34,4 % de personnes obèses2. Il est vrai qu’il existe des obèses métaboliquement « sains ». Par contre, plus l’IMC augmente, plus les patients deviennent à risque de développer différentes pathologies associées ou non avec leur profil métabolique telles le diabète de type 2, les maladies cardiaques athérosclérotiques, les atteintes ostéoarticulaires, l’apnée du sommeil, la dépression et même certains cancers3. L’obésité est donc une condition complexe tant au niveau de son étiologie, de sa physiologie et de son contexte psychosocial environnemental.

Dans ce contexte, le médecin de famille se doit d’optimiser sa compréhension dans la physiopathologie de l’obésité et d’utiliser une démarche clinique systématique afin d’assurer une prise en charge adéquate du patient obèse. Pourtant, seulement 4,5% des médecins de famille rapporteraient avoir reçu toute forme de formation en lien avec la prise en charge de l’obésité4. De plus, seulement 42 % des médecins de famille aborderaient la perte de poids avec leur patient obèse5. Selon Block et al, les médecins résidents auraient, de leur côté, certaines opinions préconçues négatives, des connaissances cliniques insuffisantes ainsi que des lacunes importantes à ce qui attrait à la prise en charge du patient obèse6. L’Association médicale américaine affirme même que le manque de formation académique constitue une barrière importante au traitement de l’obésité7. Au Canada, les lignes directrices sur le sujet publiées en 2007 par un comité d’experts ont également identifié plusieurs faiblesses importantes dans traitement et la prévention de l’obésité chez les cliniciens8. Ceux-ci reconnaissent un besoin considérable de recherche supplémentaire au sujet des stratégies de traitement afin d’optimiser la prise en charge et ainsi prévenir l’augmentation de la prévalence de l’obésité au Canada8. Selon ce même rapport, les préjugés et attitudes négatives des professionnels de la santé envers l’obésité demeureraient un obstacle majeur aux soins prodigués aux individus atteins d’obésité et plus l’obésité est importante, plus les préjugés seront considérables. Cette stigmatisation aurait donc potentiellement un impact délétère sur la qualité des soins offerts8. Parmi les préjugés des médecins les plus fréquemment rencontrés on retrouve la paresse, la non compliance aux traitements, le manque de motivation et le manque de contrôle9.

Plusieurs études démontrent que de petites interventions simples par le clinicien peuvent grandement aider le patient à initier des changements au niveau de ses habitudes de vie8. Il a également été démontré que la majorité des patients sera plus enclin à modifier leurs comportements si leur médecin leur recommande8. Cependant, plusieurs difficultés tendent à freiner les cliniciens à prodiguer ces interventions. On peut entre autre penser au manque de ressources ou de temps, à l’absence de remboursement pour les services complémentaires ainsi qu’à la croyance que les traitements disponibles sont futiles10.

Objectifs et hypothèses

L’objectif principal de ce projet est d’améliorer la qualité des soins offerts aux patients obèses par les résidents de médecine familiale affiliés à l’Université de Montréal. Pour ce faire, nous proposons une intervention pédagogique sous la forme de séances vidéo interactives à visée académique qui seront présentées à nos collègues résidents lors des réunions hebdomadaires des différentes UMF.

Notre objectif principal découle des hypothèses suivantes. Dans un premier temps, nous pensons que le manque de connaissances des médecins résidents sur l’obésité amène plusieurs préjugés et que ceux-ci interfèrent avec la prise en charge des patients obèses. De plus, le manque d’outils d’intervention disponibles, ou du moins la méconnaissance des ressources locales disponibles pour les résidents constitue un obstacle important. Finalement, nous croyons qu’une intervention courte, efficace et dynamique par les médecins résidents peut s’avérer efficace afin d’initier d’importants changements d’habitudes de vie chez leurs patients obèses. Bref, en sensibilisant les résidents aux expériences que vivent certains patients obèses, en améliorant leurs connaissances théoriques sur les processus physiopathologiques de l’obésité et en brisant leurs différents préjugés, ceux-ci seront mieux outillés et ainsi plus aptes à intervenir auprès de cette population vulnérable.

Méthodologie

Cette intervention pédagogique sera effectuée sous la forme d’une étude descriptive transversale. Pour ce faire, nous allons présenter aux résidents des UMF affiliés à l’Université de Montréal lors de leur réunion hebdomadaire une séance vidéo à visées académique et informative préalablement enregistrée d’une durée d’environ 30 minutes. Celle-ci sera constituée de trois parties. Dans un premier temps, nous voulons améliorer les connaissances des résidents en ce qui attrait à l’épidémiologie, l’étiologie et la physiopathologie de l’obésité. La deuxième partie vise à susciter l’intérêt ainsi qu’à briser les préjugés par la présentation de petites capsules vidéo impliquant des patients obèses qui témoigneront de leurs expériences personnelles et réelles face au système de la santé. Un maximum de deux patients seront sélectionnés via nos expériences cliniques antérieures. Les questions posées aborderont l’étiologie de leur obésité, leur perception du système de la santé, les services qui leur sont offerts, les préjugés dont ils ont été victime et comment cela les affecte au niveau psychologique et motivationnel. Ces patients obèses témoigneront de façon volontaire et auront préalablement complété un formulaire de consentement expliquant la visée pédagogique du projet et la confidentialité du contenu à l’intérieur du cadre du programme de médecine familiale. Ces courtes séquences vidéo, d’une durée totale d’environ cinq minutes, seront insérées à travers la présentation et viseront à donner aux médecins résidents une meilleure idée de la réalité que vit leur patient obèse. Le montage et la production vidéo seront effectués en collaboration avec des étudiants en communication (cinéma) de l’UQAM. Dans la dernière partie, nous allons aider les résidents à établir des plans d’interventions par une meilleure utilisation des ressources et réseaux professionnels en place au Québec. Par l’entremise des différents ordres professionnels tel que les kinésiologues, les nutritionnistes et les psychologues, nous fournirons aux médecins résidents des outils de référence afin de mieux prendre en charge leurs patients obèses. De plus, les options thérapeutiques variant en fonction des stades d’obésité, nous élaborerons sur les approches comportementales, médicales et chirurgicales du traitement de l’obésité.

Afin d’évaluer l’impact de notre intervention pédagogique auprès des résidents, des questionnaires en version papier portant sur les trois parties du projet (voir section questionnaire) seront distribués et remplis le jour de la présentation. Ces mêmes questionnaires seront par la suite remplis de nouveau environ 4 à 5 mois post intervention. Ainsi, en comparant les résultats obtenus en pré et post intervention, nous pourrons déterminer le niveau de connaissance de base des résidents puis mesurer l’efficacité de notre intervention sur la prise en charge des patients obèses. Les résultats obtenus seront finalement présentés lors de la journée d’érudition et de recherche de l’Université de Montréal en 2015.

Critères d’inclusion et d’exclusion

Tous les résidents en médecine familiale affiliés à l’Université de Montréal à travers le Québec sont ciblés par la présente étude. Nous inclurons les résidents 1 et 2 de manière à optimiser notre puissance statistique. Dans le contexte de l’étude, aucun critère d’exclusion ne s’applique.

Analyses statistiques

Toutes les analyses statistiques seront effectuées à l’aide du logiciel GraphPad Prism (version 5.00 for Windows). Nous utiliserons un test T de Student afin de comparer nos données pré et post intervention. Avec nos critères d’inclusion, nous pourrons également comparer comme sous-analyses grâce au test Chi-carré les 2 années de résidences, les différents milieux d’UMF (région et Montréal), les différents groupes d’âges, etc. 

Extrait du protocole de Guillaume Dumais et Charles-Étienne Plourde